Love Letter
Auteur(s) : Seiji Kanai
Illustrateur(s) : Andrew Epworth, Jeff Himmelman
Éditions : Filosofia
Genre : jeu de cartes
Mécanisme (s) : bluff, déduction, gestion de main
Thème : Monarchie
Année : 2013
À partir de 14 ans (mais jouable à partir de 10 ans en vrai)
2 à 4 joueurs
Durée de partie : 10 min.
Indicateur de prix : environ 10 €
Prétendant présomptueux
Ah les courtisans, toute cette petite société poudrée, rompue aux intrigues amoureuses, diplomatiques et politiques. Parmi cette assemblée de chacals, à qui faire confiance pour porter la lettre avec du vrai amour dedans pour la seule, la vraie, l’unique princesse, Annette ? Si vous recherchez la subtilité des jeux de l’amour et du hasard, la délicatesse des sentiments, le romantisme effréné de la jeunesse vécue au grand galop dans le parc du château… ben c’est raté, parce que Love Letter, ça kill sévère !
Love letter : mécanismes de jeu
Il faut bien le dire, le petit sac de velours rouge à cordelette dorée, dans lequel sont placées les seize cartes du jeu, est assez étonnant à première vue. Ça un jeu ? Un vrai ? Quand en plus on vous dit qu’il s’appelle Love Letter, tout bon gamer est déjà fort loin, songeant plutôt à se refaire ce bon petit jeu qu’il avait tant aimé, comment était-ce déjà ? Clash of culture ?
Grossière erreur, malgré son aspect nœud-nœud et son titre guimauve, Love Letter est un vrai jeu de gamer, aussi efficace et romantique qu’un Skull & Roses ! Essayez-le-donc pour voir, après vous irez l’acheter parce qu’en plus il est vraiment peu cher.
Chacune des cartes représente un personnage typé ancien régime : princesse, roi, garde, servante, etc. Le jeu est ultra simple : chacun débute la partie avec une carte. Quand son tour arrive le joueur pioche une seconde carte et doit ensuite en poser une face visible devant lui et appliquer l’effet qu’elle possède.
Le but du jeu est d’éliminer tous les autres (pour être le seul à faire passer sa lettre à la princesse). C’est bien ce qui est chouette dans Love Letter, cette faculté d’évincer les autres d’un coup d’un seul. C’est bête et méchant. Il y a clairement un côté Dalek dans ce jeu moi je dis, « éliminez, éliminez ».
Les seize cartes sont de huit types différents :
– la princesse, valeur 8 (carte unique) : devoir la poser signifie l’élimination, on vous avait bien dit de sauver la princesse quoi !
– la comtesse, valeur 7 (carte unique) : la plus puissante carte en valeur lors d’un duel, il faut la poser si on a un prince ou le roi dans son jeu ;
– le roi, valeur 6 (carte unique) : on échange sa carte restante avec celle d’un autre joueur ;
– le prince, valeur 5 (deux cartes) : fait défausser la carte d’un autre joueur qui en pioche une nouvelle ;
– la servante, valeur 4 (deux cartes) : assure une protection absolue contre les actions des autres joueurs (gare à la casserole !) ;
– le baron, valeur 3 (deux cartes) : permet de comparer secrètement sa carte restante avec celle d’un autre joueur, celui qui a la carte de plus faible valeur est exterminé, heu éliminé ;
– le prêtre, valeur 2 (deux cartes) : le fourbe utilise la confession pour savoir ce qu’un autre joueur a en main !
– le garde, valeur 1 (cinq cartes) : le joueur qui pose le garde, qui d’ailleurs est une femme, essaye de deviner quelle carte a en main un joueur. S’il tombe juste l’infortuné adversaire est mort… Pour une fois que les gardes sont efficaces !
Bien entendu à ce compte-là l’élagage est aussi rapide que brutal ! Si toutefois il devait rester plus d’un joueur quand la pioche est épuisée, il suffit de comparer les valeurs des cartes restantes pour savoir qui l’emporte !
Tactique et coups foireux
Pas de secret, il faut être sans pitié, utiliser la moindre information en sa possession pour éliminer un adversaire. Le gars d’en face ne regarde jamais sa carte et se sert exclusivement de celle qu’il vient de piocher ? Il a sans doute la princesse ou la comtesse… envoyez un garde lui demander au cas où.
Comme au Tarot il faut savoir ce qui est déjà tombé et ce qui reste en jeu, c’est d’autant plus facile que les cartes défaussées restent visibles sur la table. Par une conception quelque peu jacobine de l’échelle sociale la servante prévaut sur le baron, elle est donc plutôt utile comme élément de protection contre celui-ci. Les gardes n’ont sans doute pas été payés puisqu’ils veulent flinguer tout le monde, ils peuvent s’avérer très utiles contre les grands de la cour !
La comtesse et la princesse sont deux cartes à la fois puissantes et fragiles, qu’il faut conserver le plus longtemps possible. La comtesse est à la merci du hasard de la pioche, la princesse à la merci de l’agressivité des autres joueurs… autant dire que le joueur qui l’a en main risque de s’y brûler, d’amour bien sûr, mais quand même, c’est chaud à gérer.
Les prêtres, le roi et les princes sont des cartes moins stratégiques mais peuvent par moment faire toute la différence. Celui qui sait de source sûre ce que son adversaire a en main peut facilement le contrer.
Comme une partie est très courte, il est intéressant d’en aligner plusieurs, d’autant que chacun a forcément à cœur de se venger de son élimination précoce et forcément injuste.
L’avis de Globul
Le packaging, le titre et l’esthétique des cartes peut faire fuir… il ne faut pas. D’ailleurs le jeu japonais d’origine a une esthétique très différente, qui peut aussi faire fuir mais pas les mêmes personnes !
Petit, rapide, intelligent et féroce, tel est ce jeu, autant dire qu’il a un côté gnomique très marqué. C’est un véritable plaisir de sortir ses adversaires en un seul coup, l’essence même du oneshot. Se faire sortir est brutal et humiliant, on veut se venger !
Finalement le contraste entre l’esthétique très sage (tendance cucul) des cartes et la férocité du jeu est plutôt bien vue, mais au moins au 4e degré. Une version Ok Corral ou Reservoir Dogs pourrait très bien passer avec cette mécanique.En un mot c’est carrément un must à balader partout !
L’avis de Lidael
Love Letter est un jeu redoutable. Dans la mouvance des jeux de cartes “minimalistes” très à la mode en ce moment, il s’impose déjà comme un incontournable. Dommage que l’iconographie du jeu original n’ait pas été conservée, celle de la version US/EU est en comparaison terriblement banale. Cela dit le jeu est vraiment excellent, dynamique, interactif et avec tout ce qu’il faut de coups-bas pour plaire à n’importe quel Gobelin qui se respecte. Sans aucun doute Love Letter va grossir la listes de ces petits jeux que l’on a envie de trimballer partout comme Dobble ou Pingouins.