Dixit
Auteur(s) : Jean-Louis Roubira
Illustrateur (s) : Marie Cardouat
Éditions : Libellud
Genre : jeu de plateau
Mécanisme (s) : association d’idées, communication
Thème : contes et légendes
Année : 2008
À partir de 8 ans
3 à 6 joueurs
Durée d’une partie : environ 30 min
Indicateur de prix : 30 euros environ
Palsambleu, qu’est-ce que cela
Dixit c’est une forme verbale latine qui signifie « il a dit ». Le truc avec les mots en latin ou les citations latines c’est que c’est redoutablement efficace, ça dit toujours un truc avec force et en peu de mots, Roma Victor quoi. Donc voilà tout est dit, Dixit est un jeu qui utilise des cartes pour susciter l’imagination et permettre à chacun d’utiliser la puissance du verbe pour gagner. Pas d’alea jacta est mais le veni, dici, vici est à la portée de tous, y compris les analphabètes puisque ce jeu est oral, ce qui est fort bien vu.
Dixit : mécanismes de jeu
Dixit est un jeu simple, les règles tiennent sur une seule page, elles se lisent et s’assimilent en quelques minutes. Le fond de la boîte de jeu sert de plateau, il s’agit d’un parcours champêtre de trente cases, agrémenté de petites fleurs et de champignons. Un peu gentillet, mais sans tomber dans la niaiserie. Chaque joueur va recevoir un petit lapin de bois qui évoluera sur le parcours au fil des points marqués.
Pas de lapin-ninja ni de bazooka lance-carotte, aucun berger allemand caché sur le parcours et on ne transforme pas ses adversaires en civet dans Dixit… malgré toutes ces limitations le jeu fait appel à l’imagination et est résolument compétitif, mais tout en étant coopératif vous voyez ?
Chaque lapin reçoit six cartes. Comment dire, ces cartes sont uniques à de nombreux points de vue et c’est justement dans la multiplicité des points de vue qu’elles sont uniques. Reprenons : chaque carte de Dixit est unique. Chaque carte contient une image, uniquement une image. Mais chacune de ses images manifeste plusieurs sens, d’une manière ou d’une autre.
Un conteur sachant compter
Chacun leur tour les joueurs vont endosser le rôle du conteur, celui qui a dit. Le conteur doit choisir l’une de ses cartes en secret et dire quelque chose en rapport avec cette carte. Un mot, une phrase, une citation, une pensée, un proverbe, le nom de quelqu’un, en fait n’importe quoi.
Les autres joueurs doivent eux choisir l’une de leurs cartes, en essayant de prendre celle qui se rapproche le plus possible de la parole du conteur, celle qui illustre le mieux possible ce qu’il a dit. Ils donnent leur carte face cachée au conteur, lequel mélange les cartes reçues avec sa propre carte. Il dévoile toutes les cartes et les aligne de manière à leur attribuer un ordre (première carte, seconde carte, etc.)
Les joueurs doivent maintenant voter pour la carte qu’ils pensent être celle du conteur. Le conteur lui ne vote pas, il le fera en tant que joueur quand il ne sera plus conteur. Bien sûr chacun des joueurs a aussi une carte présente sur la table, il ne peut pas voter pour. Les votes sont révélés simultanément et le conteur désigne la carte qui était la sienne. Les points sont alors décomptés. Si le conteur n’a eu aucun vote il ne marque pas de points et tous les autres marquent deux points. Si tous les votes sont allés sur la carte du conteur c’est la même chose, rien pour le conteur, deux points pour chacun des autres.
Si le conteur a eu des votes mais pas l’intégralité de ceux-ci, il recueille trois points ainsi que les joueurs qui ont voté pour sa carte. Les joueurs dont la carte a reçu un vote marquent un point par vote. Faire deviner une carte n’est pas dur, mais quand il s’agit d’indiquer un sens possible avec assez de subtilité pour avoir des votes mais pas ceux de tous les joueurs, il s’agit d’une autre affaire.
La carte qui fait couler l’ancre
Prenons pour exemple une carte qui représente l’ancre d’un navire qui est posée sur un paysage de bosses de sable, reliée par une chaîne qui monte jusqu’en haut de l’image. Le fond est bleu mais on ne sait pas s’il s’agit de l’eau ou du ciel. Cette image a été utilisée deux fois dans la même après-midi pour deux évocations complètement différentes. Le premier conteur a dit « Le Petit Prince », utilisant en cela le fond de l’image qui peut figurer les dunes d’un désert, là où Saint-Exupéry place la rencontre avec le petit garçon qui veut qu’on lui dessine un mouton.
Le second conteur a dit « Miséricorde ». La référence était l’ancre de miséricorde, celle qui au temps de la marine à voile était la plus lourde du navire, celle dont la chaîne est la plus solide, en gros la dernière chance d’un navire risquant d’être jeté à la côte. Les deux sens, les deux évocations sont réellement très éloignées et pourtant elles sont toutes deux bien calibrées, assez précises pour se distinguer des autres cartes, point trop évidentes de manière à ce que certains joueurs se trompent, ce qui est nécessaire pour que le conteur engrange des points.
Tactiques et coups foireux
Difficile de parler de tactique, il faut surtout prendre le temps de bien regarder les images. Déjà parce qu’elles sont superbes, réussissant à représenter des sujets très différents, à mettre en valeur des thèmes précis, tout en ayant un charme propre, un côté ineffable, intangible, suspendu.
Lors de l’interview de Libellud par le Gobelin Rose il avait été question de la création de ces cartes, de la précision des instructions données par Jean-Louis Roubira à l’illustratrice Marie Cardouat. La magie du jeu tient en grande partie à leurs talents conjugués.
Le conteur doit donc trouver la bonne idée qui va avec l’une de ses cartes, il doit aussi trouver la manière de l’exprimer qui va parler à certains mais pas à d’autres. Il doit aussi se méfier des thèmes trop vagues qui perdront tout le monde ou qui pourront être illustrés de manière trop facile par la carte d’un autre joueur. En général les formules courtes sont plus simples, surtout si elles peuvent laisser une part de mystère, car c’est là que certains pourront se perdre en chemin.
Lapin but not crétin
Le conteur doit donc lutter d’abord contre lui-même, contre l’esprit qui est habitué à formuler avec précision, contre le langage qui est un outil précis, contre les évidences et les idées trop simples. Ensuite il doit lutter contre l’ingéniosité des autres joueurs qui pourraient placer une image beaucoup plus évidente à lier à la parole du conteur.
S’il y a une part tactique évidente, celle-ci doit être en finesse, il s’agit d’identifier une idée en rapport avec l’image de manière claire, puis de l’exprimer de manière floue… ou de tenter la démarche inverse somme toute.
L’un des atouts importants du conteur est la psychologie… s’il connaît les personnes qui jouent autour de la table il lui est possible de spécialiser son discours, de prendre comme idée ou comme référence des choses très précises, de manière justement à avoir à coup sûr une identification par certains et à coup sûr une mauvaise réponse de ceux qui ignoraient une information précise. L’idée est de spécialiser le langage dans un répertoire d’initiés ou en faisant une lecture volontairement déformée des cartes, du moment que ce point de vue puisse être partagé par au moins un autre joueur. Les joueurs ayant accumulé un certain nombre de parties peuvent aussi tenter de jouer sur les termes employés par les conteurs avant eux pour une carte précise.
L’avis de Globul
Dixit est un jeu différent. Son mécanisme est simple et laisse la place à la construction d’une sorte de rêve coopératif. C’est un peu le même ressort que le jeu de rôle classique : l’addition de l’imaginaire de plusieurs joueurs donne un résultat étonnant, intéressant, nettement supérieur à la somme de ce que chacun y a apporté.
Son intérêt aussi est d’être un jeu ouvert, facile à expliquer à n’importe qui, à n’importe quel âge ou presque, y compris aux personnes s’exprimant dans une autre langue ou ne se connaissant pas du tout. En cela il peut être un super outil pédagogique et le bon moyen d’offrir à un groupe constitué une activité en dehors de ses habitudes.
Dixit a reçu le prix « Spiel des Jahres » en 2010 en récompense et mérite réellement que chacun y joue au moins une fois pour essayer.
L’avis de Lidael
Dixit… Qu’est-ce que j’ai pu en entendre parler avant de faire ma première partie ! Comme souvent lorsqu’un jeu est à ce point réputé exceptionnel, on redoute un peu la première partie, la crainte de la déception, ou de l’effet de mode sûrement. Bin, en fait Dixit, c’est vraiment super bien.
En premier lieu, l’idée du jeu, sa mécanique, le fait de faire appel à l’imagination des joueurs bien sûr, mais aussi à leur vécu, à leur sensibilité et à ce brin de poésie qui sommeille en eux. Puis les illustrations bien sur, où tout l’art de Marie Cardouat a consisté a mettre en image les idées de Jean-Louis Roubira, tout en nous faisant oublier la rigueur de l’exercice et en faisant la part belle au sensible. Chapeau.
Pour aller plus loin…
Nous vous avions déjà parlé de Dixit à l’occasion d’un podcast
Le podcast spécial Libellud, avec Régis et Paul qui causent dans le micro