Malifaux
Auteurs : Nathan Caroland, Eric Johns, Dan Weber
Illustrateur : Melvin de Voor
Éditeur : Wyrd
Mécanismes : placement, combinaisons, wargame
Thème : western, fantastique, horreur
Année : 2009, réédition en 2013
À partir de 14 ans – 2 joueurs et plus
Durée de partie : 2 heures
Indicateur de prix : 60 € pour le matériel de base
Rendez-vous dans le Bayou
Nous sommes en 1900 ou à peu près. Voilà une époque charmante, on l’a même surnommée la « Belle époque », c’est vous dire. La Civilisation est en marche, le progrès, l’électricité, la science ! Et puis voilà, il y a la Brèche, ce passage vers un autre monde, vers la magie des puissantes pierres d’âmes. Cela ressemble à une autre dimension, un peu comme Lovecraft pouvait les imaginer. De l’autre côté de la Brèche se trouve la petite ville de Malifaux, une sorte de Mos Esley version Far-West.
La Brèche a ouvert un monde nouveau et attiré tous les aventuriers, des scientifiques éclairés aux pires desperados. Au fait, qui a dit que ce nouveau monde n’avait pas déjà des habitants ?
Malifaux : mécanismes de jeu
Malifaux est un jeu de figurines, de type escarmouche. Il privilégie les combats de petits groupes de figurines aux affrontements larges. Il y a sept factions différentes dans le jeu, très travaillées. L’importance du contexte, du fluff, est d’ailleurs un des traits essentiels de Malifaux.
Activations alternées, fate deck, scénarisation et points de victoire, voilà les grandes originalités du système de jeu Malifaux. Dans de nombreux jeux, il suffit de massacrer tous les ennemis pour gagner. Dans l’univers de la Brèche cela peut être utile (et marrant) mais ne garantit absolument pas la victoire.
Le vainqueur de la partie est celui qui totalise le plus de points de victoire, même si tous ses gusses gisent face contre terre. Ces points de victoire se calculent à la fin de chaque tour. Dans chaque partie il y a un objectif commun aux deux joueurs et des cartes d’objectifs secrets que chacun des joueurs tire. La combinaison des objectifs réalisés ou non permettra d’attribuer les points à chaque tour, le cumul donnant le résultat final.
Lancer toutes ses troupes à l’assaut, défourailler et tabasser les vils ennemis, voilà qui est bel et bon. Mais ensuite dans de nombreux jeux c’est grand déplaisir de devoir attendre que l’ennemi passe de longues minutes à faire de même. Malifaux ne connaît point ce souci puisque chacun des joueurs active une seule figurine avant de rendre la main à son ou ses adversaires. Forcément, il faut se méfier des réactions de l’ennemi, impossible de trucider proprement un bestiau avec plusieurs personnages en espérant qu’il se laisse faire… mais n’est-ce point un tantinet réaliste ?
Destin à la carte
Le fate deck, le jeu de cartes de Malifaux. Voilà une originalité de plus. On ne lance pas de dés dans Malifaux ! Hérésie ! Au lieu de cela on se sert d’un jeu de 54 cartes. Folie !
En théorie il est possible d’utiliser un jeu classique, cœur-pique-trèfle-valet-dame-roi. Bon, on s’aperçoit que c’est vite lourdaud. Malifaux remplace les couleurs habituelles par d’autres, les Béliers, les Masques, les Grimoires et les Corbeaux. Valets, dames et rois deviennent les valeurs 11, 12 et 13. Deux jokers sont conservés, le rouge symbolisant une chance exceptionnelle et le noir une déveine crasse (et des adversaires qui se gaussent).
Comme le dit fort justement une chouette vidéo de présentation que je vous recommande, Malifaux use et abuse du fate deck. On lance l’initiative pour savoir qui commence chaque tour, tirage de fate deck. On effectue une attaque, fate deck, on la modifie, fate deck, on calcule les dégâts, fate deck, etc.
Le principe n’est pas forcément mauvais mais pour le débutant il n’est pas facile de s’y retrouver. On tire une carte ok, mais pour quoi déjà ?
Tu vas mourir, mais je ne sais pas encore comment…
L’époque retenue et le contexte de Malifaux permettent de mixer énormément de possibilités d’action. Certains personnages utilisent des armes blanches, d’autres des armes à feu simples comme des six coups, d’autres des armes plus perfectionnées. De la magie ? Oui, tout plein, du feu, du froid, du poison, des effets de paralysie, d’attraction, de ralentissement.
La variété des combats me fait fortement penser aux MMORPG. Le pire c’est que l’univers baroque de Malifaux parvient à mélanger tout cela sans trop de souci. Steampunk, Western, Magie, horreur, tout y est. C’est assez énorme quand on y pense, mais ça passe. Bon, il faut que je vous parle des figurines et des factions.
Les figurines… houlà
Si vous cherchez sur Internet, vous trouverez des images de figurines, plutôt grises, en 3D, fort jolies, souvent très dynamiques. Malifaux a d’abord eu une série de figurines en métal mais elles sont totalement larguées par les modèles plastiques disponibles actuellement.
Au passage ne comptez pas utiliser des figurines génériques, dans Malifaux quasiment chaque personnage est individualisé et les cartes de caractéristiques sont livrées avec les figurines. Ces figs. plastiques sont superbes, les plus détaillées que je connaisse pour ce matériau. Les figurines standard sont des 32 mm, sur des bases rondes de 30 mm. Il existe de tout petits modèles et certains gros bestiaux peuvent monter à 50, 60, 70 mm. Trois modèles de bases existent, toutes rondes, en 30, 40 et 50 mm.
Le montage est une affaire vraiment délicate. Les figurines sont de petites maquettes, les éléments sont dispersés sur des grappes. Découper, ébarber, coller… mais certains éléments peuvent faire 3 ou 4 mm. Il faut être précis, ne pas hésiter à consulter le plan de montage sur le site officiel de Wyrd. Attention aussi au petit élément qui peut se sauver en cours de route. Les assemblages sont précis, il faut une bonne colle plastique et recourir à la green stuff pour quelques détails.
Le montage de certaines figurines est assez éprouvant. Le soclage peut aussi s’avérer problématique. Pas de petite barre à enfoncer dans le socle, une paire de petits pieds, parfois même un seul pied, de 2 mm de long évidemment. Sur les grosses figurines il est assez facile de percer, d’enfoncer une petite tige métallique qui solidarise bien le tout. Pour les petits pieds, la seule option que je vois est la super glue. Décorer ses socles est une pratique courante et fort appréciée. Wyrd commercialise des socles à thème, assez chers je trouve. Un peu de créativité et de récup/recyclage permet de faire des choses chouettes, notamment en travaillant avec les pâtes durcissantes type Milliput.
Au final, même s’il y a peu de figurines sur la table, c’est pas mal de boulot de montage. Côté peinture c’est classique, donc relativement rapide pour certains et très travaillé pour d’autres, selon les envies et les talents. Les figurines peuvent être réellement superbes. Attention, elles resteront souvent fragiles, même si les socles larges les rendent bien stables.
Savoir être dans le Crew
Chaque joueur dirige une équipe de figurines, un crew. Chaque figurine a un coût en soulstones. Selon le budget de la partie l’équipe sera dirigée par un Master (Maître) ou un Henchman (Bras droit) qui ne coûtent rien à recruter. Les autres personnages se répartissent en diverses catégories selon une hiérarchie simple. Quelques distinctions essentielles : la possibilité ou non d’avoir des upgrades moyennant un coût additionnel en soulstones et celle de faire des interactions (interact actions), essentielles pour les points de victoire.
Le joueur ne compose pas son équipe avant le tirage des éléments de scénario de la partie, il choisit juste sa faction. Une fois le terrain placé, les objectifs et le type de déploiement connu, il recrute son équipe dans sa faction. Il existe pour l’instant une grosse trentaine de masters différents, ce qui permet de très nombreuses combinaisons. Par ailleurs, certaines figurines sont dans deux factions et la faction des Outcasts représente des mercenaires qui peuvent pour certains être recrutés par tous les crews.
Créer son crew est un moment essentiel. Bien sûr au début les choix sont très limités, il faut pouvoir aligner les figurines correspondantes. Les boîtes de crew commercialisées permettent de faire l’ossature de troupes équilibrées dont les personnages sont complémentaires. Mais il est aussi amusant de chercher des synergies différentes, ou tout simplement d’aligner certaines figurines parce que leur look ou leur style de jeu est trop cool !
Quand t’es dans le Bayou depuis trop longtemps…
Les sept factions de Malifaux sont bien documentées dans le livre de règles. Chacun peut y faire son marché, choisir de développer une ou plusieurs factions, se concentrer sur un master, chasser le mercenaire ultime, etc. Forcément le budget figurines doit suivre. Les boîtes de crews sont de bonnes affaires, les figurines à l’unité reviennent nettement plus cher, évidemment.
La Guilde représente l’organisation humaine officielle qui exploite la Brèche, c’est un peu l’idée de la Compagnie des Indes, du monopole. Côté aspect par contre c’est western, des porte-flingues, des chapeaux. Un côté justice/croque-mort aussi et l’idée générale qu’ils ont la loi pour eux.
Les Arcanistes sont des mages, qui recherchent la magie des soulstones mais à leur manière. Magie élémentaire, bestioles invoquées, des sorts puissants mais pas vraiment des lutteurs d’arènes. Pourquoi le seraient-ils puisqu’ils peuvent envoyer leurs créatures au contact.
Les Résurrectionnistes sont des nécromanciens ou leur version médicalisée moderne. Ils traficotent du squelette et des morts-vivants. Une réputation épouvantable bien sûr mais une certaine efficacité. C’est la zumba des zombies man.
Les Ten thunders sont des bandits orientaux, arts martiaux, dragons, samouraïs, travailleurs chinois du chemin de fer, ninjas. Certaines figurines sont extrêmement dynamiques et c’est aussi l’occasion de peindre des couleurs vives.
Les Outcasts sont des mercenaires. Une bonne partie des personnages de la faction peuvent servir à compléter des crews d’autres factions. Ils ont cependant leurs propres masters. Mercenaires, tueurs à gages, renégats d’autres factions, aventuriers sans scrupules ou carrément à l’Ouest de l’Ouest, voilà l’essentiel de leurs troupes.
Les Gremlins (qui ont un côté gobelin très affirmé je trouve) sont des habitants originaires de Malifaux. Petits, verdâtres, gobelinesques, ils habitent en tribu dans le marais qui borde la petite ville de Malifaux. Enfin, pas le Marais, le Bayou. La faction reprend joyeusement le Bayou de Louisiane et les Cajuns qui y habitent. On pourrait s’en offusquer en tant que Français, mais non en fait. Avoir des sortes de gobelins qui portent des noms français et élèvent des cochons dans les marais, c’est carrément décalé. Need !
Les Neverborn (Non-Nés) sont aussi des locaux, mais pas vraiment des marrants. On pourrait dire que ce sont des monstres même. C’est un peu comme s’ils exploitaient l’imaginaire et les légendes humaines pour incarner leurs peurs et les combattre. Il y a par exemple Pandora, sa boîte et ses spectres, Collodi le montreur de marionnettes, Le petit garçon et son doudou monstrueux. Flippants, assez Lovecraftiens, très intéressants.
Tactique et coups foireux
Les parties de Malifaux se jouent sur un espace de 90 cm x 90 cm, la présence de décors et leur répartition va beaucoup influer sur l’évolution. Certains personnages tirent de loin, voire de très loin. D’autres sont spécialisés dans le combat à portée d’haleine. Il y a des rapides, des lents, des qui chargent, d’autres qui balancent des effets sur une aire large.
L’activation est l’unité de jeu essentielle, le plus souvent elle ne concerne qu’un personnage qu’il faut utiliser au mieux. Bouger, tirer, placer des marqueurs en vue d’objectifs, lancer un sort ou simplement aider un autre personnage du crew. C’est la synergie entre les différentes capacités des figurines qui fait le sel des parties.
D’une part il s’agit de maximiser les possibilités de ses personnages en individuel et en collectif et aussi de réussir le mieux possible à contrer les figs. adverses, en cherchant la faille, en identifiant les menaces, qu’elles soient évidentes ou soigneusement dissimulées.
L’utilisation du Fate deck peut réserver de sacrées surprises. Chaque joueur dispose d’une main de six cartes qui lui permet d’influencer en partie sur les tirages bruts, mais il y a des limites à tout. Avec de la chance un simple tir peut faire beaucoup de dégâts ou un effet cataclysmique se trouver évité.
Enfin le monde de Malifaux permet de construire des scenarii originaux ou à thème. Courir après un goret enragé qui charge tout le monde (Golden Piglet) ou se frotter à un épouvantail infernal (The Carver) par exemple. Un peu d’imagination et la lecture des Wyrd Chronicles permettent d’aller plus loin qu’un simple jeu de figurines. C’est justement là le charme de Malifaux.
L’avis de Globul
D’abord les figurines, elles sont superbes. On ne pige rien au jeu mais ça fait plaisir à voir. Ensuite l’univers, le site de l’éditeur donne corps à cette fable d’un monde parallèle, à cette île aux enfants pas sages. Et puis c’est parti, des figurines à assembler, monter, barbouiller, des règles pas trop compliquées mais qui demandent d’être quand même concentré.Créer son crew c’est déjà se dire qu’on va pouvoir faire tel ou tel dégât, surprendre l’adversaire, lutter contre un effet particulier. Les parties peuvent aller dans tous les sens, rien ne dit qu’un gros costaud va résister. Les possibilités sont très ouvertes et un joker n’est jamais à exclure…
Malifaux est un jeu de figurines très chouette, son univers est d’une grande richesse et l’éditeur travaille beaucoup en ce sens. Mais les figurines ne sont vraiment pas simples à assembler et les mécanismes du jeu peuvent dérouter. Je ne conseillerais pas de commencer le jeu de figurines par Malifaux, d’autant qu’il est en anglais pour l’instant. La sortie des règles en français et la boîte de starter prévue pour la fin d’année pourraient un peu changer la donne.