Cette fois-ci c’est (encore) le grand jour et le réveil sonne carrément tôt. Mes troupes anglaises sont bien rangées dans leurs casiers, j’ai le livre de règles, les gabarits d’artillerie, mes dés, les marqueurs de jeu, le mètre-ruban, mes listes d’armées, je suis paré. Oups, failli oublier le plateau, non pas pour le thé (encore que, des fois ça peut aider en jouant britannique), mais pour balader l’armée d’une table de jeu à une autre.
Nous sommes dans un lieu sympa, dans la banlieue bordelaise, grande salle attenant à un petit château qui abrite aussi un centre d’art contemporain. Pas le temps de visiter mais nous avons profité du jardin pour prendre l’air et pique-niquer.
Vingt-quatre joueurs pour le tournoi Flames of War en Late war, il y avait aussi plusieurs tables pour un tournoi d’armées antiques. On pourrait se dire qu’on va se renseigner, faire quelques photos pour le Gobelin. Mais non, à fond dedans, juste jeté un coup d’œil, j’ai vu des éléphants… bref le noob intégral quoi.
À table tout le monde !
Trois longues rangées de tables nous attendent. Les décors sont variés. De petits villages, quelques coins de désert ou de campagne, des routes, des bois… et puis Stalingrad. De grands immeubles détruits, noircis, des rues à l’équerre encombrées de gravats. La carte impressionne et fait peur à la fois. Je vais avoir la chance d’y livrer une sacrée partie.
Pas complètement couillon, j’ai remarqué que les tables des bouts de rangées sont les plus agréables… il y a plus de place pour tourner autour de la table et poser son bazar.
Une bonne partie de la communauté se connaît déjà, il y a l’équipe française de l’European Team Championships (ETC), les Bordelais, les Poitevins, les Parisiens. Et puis bien sûr quelques nouvelles têtes. Moi-même je fais figure d’ancien nouveau. Les pseudos rencontrés sur le forum Flames of War France sont là, en vrai !
L’armée des cinq batailles
Mon armée est une tank company anglaise. Je serais donc attaquant contre l’infanterie ou l’infanterie mécanisée. J’ai choisi de prendre du solide, tant sur le plan du moral que sur celui du matériel. J’ai des chars Churchill et ils viennent d’un régiment de la garde. Mais du coup je n’ai que sept chars, ce qui est peu.
Pour les seconder j’ai un platoon d’infanterie, un petit platoon de deux chasseurs de chars Achilles et surtout une batterie d’artillerie de huit canons de 25 pounder. Ces canons ne sont pas hyper puissants mais ils sont très réguliers, visent très bien et grâce à l’ajout d’un avion d’observation rien ne leur échappe.
Le tournoi demandait de constituer trois listes de 1500, 1650 et 1800 pts. Ma liste à 1650 points ajoute une reconnaissance dotée de deux chars Stuart. La liste à 1800 un second platoon d’infanterie, sans grande justification logique mais bon, parfois les calculs de points ne sont pas faciles.
Durant les deux jours je vais jouer deux fois à 1500, deux fois à 1650 et une fois à 1800.
Jour 1 – Caramba, encore raté !
Je ne vais pas entrer dans le détail de chaque bataille, ce serait fort fastidieux. La première a été une leçon d’humilité, rapide et efficace. J’étais en face d’une autre tank Cie, en fair fight. Deux objectifs à défendre avec la moitié de l’armée. J’ai placé un platoon de trois Churchill et mes huit canons.
En face des chars russes, de gros IS-2, des Su-122 mais surtout dix T-34 lance-flammes ! On jouait en largeur, j’avais deux tours pour faire craquer les T-34 avant qu’ils viennent griller mes canons. J’ai bien failli y arriver mais non, mes réserves sont arrivées dans une situation déjà désespérée. J’ai cassé un platoon de Su-122, un peu au raccroc, mais au moins ça a fait un 2-5.
La seconde bataille était plus classique, aller chercher de l’infanterie allemande retranchée. C’était quand même de l’infanterie mécanisée avec des half-tracks partout. Il y avait deux 88 mais bon, les Churchill font partie des rares chars alliés ayant une chance d’y résister.
Il fallait surtout faire vite pour prendre les objectifs avant l’arrivée des trois Panther placés en réserve.
Comme à l’exercice mes chars ont avancé résolument vers les objectifs. L’apparition d’un Stuka n’a pas changé grand-chose. L’infanterie n’avait pas de Panzerfaust et j’ai éliminé rapidement un des 88. Oui mais voilà, avancer en cassant des half-tracks vides était facile, de même que prendre position autour des objectifs. Je me voyais gagnant, mon adversaire aussi.
Les assauts se sont succédé, les Allemands reculaient en bon ordre. Le dernier 88 m’a tué un char ou deux au passage. Un des platoons d’infanterie a craqué mais l’autre contestait encore les deux objectifs. Les Panther sont arrivés mais étaient trop loin pour être déterminants. L’horloge nous a rattrapés. Et donc une nouvelle défaite, mais en 3-4 vu les pertes infligées. Et une leçon de plus !
Stalingrad
Cette fois-ci c’était la belle carte, celle des ruines de Stalingrad avec des immeubles partout. Dans les ruines de la ville, des Russes bien sûr ! Des foules de Russes, je dirais au moins soixante plaquettes. Le scénario « surrounded » faisait que je me plaçais des deux côtés et mon ennemi au milieu… un milieu très très peuplé !
Beaucoup d’infanterie très mal armée pour combattre mes gros Churchill, quelques canons antichar mais assez peu puissants et surtout une batterie d’artillerie de 152, très dangereux ceux-là ! Le déploiement les coinçait en bord de carte, j’ai foncé pour les détruire, en échange de la perte d’un char.
Ensuite mes chars ont avancé lentement, en roulant sur l’infanterie et les petits canons antichar. Ils avaient peu de chances de m’avoir et la chance faisait en plus grandement défaut à mon adversaire. Il se désespérait, sentant que j’allais inexorablement arriver à l’objectif. En effet, en quelques tours j’avais cinq chars autour de l’objectif.
Mais je venais d’apprendre à mes dépends que cela ne suffisait pas. Si les Allemands de la partie précédente avaient eu un peu de chance pour résister si bien, les Russes n’en avaient pas trop besoin. La masse des troupes, la présence du chef de compagnie et celle du Commissaire politique leur ont permis non seulement de rester sur l’objectif mais de contre-attaquer victorieusement. La grande majorité des ennemis ne pouvaient pas endommager mes chars, mais réussirent à les faire reculer… et une fois entouré un char lent se retrouve inexorablement capturé. J’ai perdu de la sorte trois chars et le dernier ne pouvait plus rien faire. L’armée ennemie était très amochée mais j’étais coincé. Une nouvelle défaite en 3-4 mais aussi une excellente partie, haletante. L’environnement urbain et la disparité des troupes en présence ont vraiment donné un cocktail original.
Les deux dernières parties de la journée ont été longues et intéressantes mais fatigantes. Le break du repas du soir fut le bienvenu. Je me souviens de la pizza, d’une fort bonne bière avec trois A dans le nom et de discussions joyeuses. Une très bonne ambiance, sans esprit de compétition.
Jour 2 – C’est l’Amérique
J’avais réfléchi à mes erreurs de la veille et m’étais juré de mettre le paquet pour faire craquer la prochaine compagnie d’infanterie rencontrée. Bingo, je tombe pour ma première bataille sur de l’infanterie américaine appuyée par quelques Sherman. La carte me permettait de favoriser un flanc au détriment de l’autre.
J’y suis allé à fond, envoyant mes chars et mon infanterie sur un flanc. Ma reconnaissance, dont c’était la première apparition, a fait le job en débusquant les fantassins ennemis. L’artillerie a commencé à taper régulièrement.
Mon adversaire était plus novice que moi et a attendu pour faire réagir son autre flanc. J’ai eu de la chance et son platoon d’infanterie a décroché. Ses chars étaient immobilisés non-loin mais hors de vue de l’objectif. Une embuscade de canons antichar m’a flingué le char de mon chef (Bing) mais n’a pas empêché la prise de l’objectif. Il était temps, au tour suivant celui-ci aurait disparu et le second objectif était trop loin. Un brin de suspense mais qui se solde sur une victoire 5-2.
Dernière bataille du tournoi en vue. Pour moi l’essentiel est réussi, j’ai accroché une vraie victoire à mon palmarès et je suis rassuré. Je suis encore contre des Américains, mais cette fois-ci ils ont des chars. Je suis en mauvaise position dès le début car je dois défendre avec seulement la moitié de mes troupes.
L’armée je la connais, c’est celle d’Urial qui a fait des vidéos de présentation sur Barbus in Game. Je sous-estimais joyeusement ses troupes d’ailleurs. Mais bon, là je suis en mauvaise posture. Mes canons et mon infanterie sur un objectif, trois Churchill en embuscade et un autre objectif lointain… mais en rase campagne.
Il fonce direct et je me prends des chars lance-flamme et l’assaut d’un platoon de chars dès le premier tour. Mon infanterie grille réglementairement mais recule sans faillir. Pas mal de pertes quand même. Côté riposte c’est plutôt mou du genou. Le char de mon chef sauve le tour en faisant un tir d’artillerie plutôt audacieux qui fait évacuer les trois chars lance-flamme !
Urial se méfie de mes canons et file vers le second objectif. Deux fois quatre Sherman et deux Pershing, ça va être dur à stopper. Mon second platoon de Churchill arrive du bon côté, accompagné de mes chasseurs de chars. Mes Achilles flinguent un Pershing. Les restes de mon infanterie prennent d’assaut les chars lance-flamme évacués. Un temps je m’illusionne mais je suis cuit. Mes trois chars ne peuvent pas en arrêter huit, surtout qu’il y a deux Sherman « jumbo » fortement blindés qui doivent être une cible prioritaire. Défaite logique en 2-5 mais pas mal de petites erreurs de ma part, la prochaine fois je saurais réagir différemment.
Classement et bilan
Je n’ai pas perdu toutes mes batailles, je ne suis pas le dernier du tournoi cette fois-ci ! Mieux encore, certaines défaites étaient très disputées du coup j’ai pas mal de points. Ma victoire était par ailleurs en infériorité numérique (1650 contre 1800) du coup tout cela me propulse à la 15e place sur 24 ! Pas si mal donc même si j’ai souffert (et appris).
Quels enseignements de tout cela ? Côté gameplay je savais aller à l’objectif mais pas forcément me l’approprier. J’ai combattu des Américains pour la première fois. Pas si « Easy » que ça les Yankees ! Parmi les découvertes du week-end, les chars jumbos, les chars lance-flamme, la capture de chars par l’infanterie et puis aussi les possibilités de faire travailler ensemble de l’infanterie et des chars lents (bizarrement dénommés « Infantry Tanks » par les Anglais).
Côté humain ce tournoi était différent de celui de Fontaine. Plus de joueurs, des tables plus serrées, plus de parties aussi car je n’avais finalement joué que trois fois à Fontaine. J’avais cette fois-ci pas mal de parties dans les jambes et pratiqué plusieurs fois l’armée que j’alignais. Plus de pratique sur les règles aussi et mine de rien, une armée de chars au lieu de fantassins, donc une position d’attaquant, plus dynamique. Me retrouver deux fois contre des chars n’a ceci dit pas été une bonne surprise.
Les rapports avec mes adversaires ont comme la dernière fois été très chouettes. Hé, c’est un jeu ! Chacun essaye de faire de son mieux bien sûr mais pas de coup fourré, on discute des enjeux, des possibilités de chacun. Très bon esprit de tous, pas d’abus et même de la gentillesse de part et d’autre. En fait derrière la bataille il y a l’opposition classique et aussi la curiosité, chacun étant curieux de voir ce que donne l’armée adverse qui a été construite sur des choix différents. De plus la communauté Flames of War française est assez réduite du coup il est paradoxalement plus facile de s’intégrer. Prochain tournoi en vue, de nouveau à Fontaine-le-Comte et cette fois-ci en middle war.